• Evo Morales - Le député de la coca.

    Ce paysan indien représente, à l'Assemblée nationale bolivienne, les planteurs de coca.

    Il défend l'usage traditionnel de la petite feuille contre la politique d'éradication du gouvernement. « Je détiens le record national: en août 1997, j'ai été élu avec 70,13 % des voix à l'Assemblée nationale de Bolivie. Le tout sans dépenser un sou pour ma campagne », déclare en guise d'introduction Evo Morales. « Et je suis fier d'être considéré en Europe comme le député des producteurs de coca. » Engoncé dans un blouson de cuir fatigué, une sacoche défraîchie sous le bras, le député s'apprête, à l'aéroport de La Paz, à partir pour Caracas, où il rencontrera des militants vénézuéliens. Il voyage tant, de Genève à Porto Alegre, qu'il n'a plus franchement le temps de s'occuper de ses champs. Pourtant, il a encore un demi-hectare de coca. « Je représente le peuple, le mien, les Aymaras, et tous les Indiens, qui sont la majorité dans ce pays. » Or le peuple bolivien semble avoir de plus en plus de mal à accepter non seulement la politique d'éradication de la coca, dictée par Washington, mais aussi la politique du gouvernement en général, celle qui a notamment consisté à vendre, sinon à offrir aux multinationales les joyaux du pays, que ce soit les mines, les gisements de pétrole ou encore la gestion de l'eau avec à la clé de nombreux emplois perdus.

    « Mon programme politique va au-delà de la défense de la coca traditionnelle », explique le député, en prenant son café, aussi ambré que sa peau. « Le capitalisme d'Etat est un échec, de même que le néo-libéralisme. Ce que nous voulons, c'est récupérer nos entreprises, non pas pour les rendre à l'Etat, totalement corrompu, mais pour mettre sur pied un système d'autogestion », explique-t-il. Un mécanisme qui s'accorderait sans doute bien avec les traditions indiennes de la région. Lui qui n'a pas terminé l'école secondaire aligne les chiffres: « Ce sont 3 milliards de dollars qui ne circulent plus dans l'économie du pays depuis trois ans, en raison de l'éradication de la coca. Et si l'on ajoute les privatisations mal faites et la corruption, endémique dans le pays, ce sont 7 milliards de dollars qui ont disparu. »

    Evo Morales se souvient de son enfance, sur les hauts plateaux boliviens. « Dans ma famille, nous n'avions souvent qu'un quintal de maïs pour toute l'année. Je ne mangeais qu'une demi-orange par an les pelures en plus... » La misère noire de ses jeunes années a conduit sa famille à émigrer dans le Chapare, pour cultiver le riz et la coca. S'il a connu, comme tous les Indiens du pays, la discrimination et l'aliénation culturelle, il n'en a pas pour autant été anéanti. Il s'est rebellé pour de bon, un jour de 1980. « A cette époque, le pays était écrasé par la dictature des narco-trafiquants, et ce sont ces hommes qui ont brûlé vif un paysan de mon village », raconte-t-il. Cette tragédie a servi de détonateur. La révolte le mènera au syndicalisme, puis à la politique. Elu député en 1997, il reconnaît que les autres parlementaires « ne sont pas franchement satisfaits de mon travail, surtout quand je propose des enquêtes sur les fortunes mal acquises; le gouvernement a même voulu me mettre hors d'état de nuire en m'accusant de sédition, mais je résiste ». Son but est aussi de lutter contre ce qu'il appelle la « narcocratie », très présente selon lui au sein du gouvernement... Dans ces conditions, vouloir détruire la coca consiste de son point de vue en une belle hypocrisie, qui ne sert qu'à redorer le blason international du pays, à massacrer les Indiens, comme au temps de la dictature, et à renforcer la main mise de Washington sur la région.

    La colère du peuple bolivien paraît telle actuellement qu'Evo Morales ne voit que deux issues possibles: « L'insurrection armée, mais je ne veux pas d'un bain de sang, ou la mise en place d'une Assemblée constituante. Le peuple doit écrire sa propre constitution et retrouver sa dignité et sa souveraineté. Ce nouveau millénaire doit être celui de l'Indien », conclut-il. La culture de la coca serait-elle inscrite dans une nouvelle constitution ? « Nous sommes certes disposés à faire des cultures alternatives. Mais à une condition: que l'on nous achète nos produits à des prix justes, pour que nous puissions enfin sortir du sous-développement », répond Evo Morales.


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